Hugh est né à Montréal, Québec en 1926. Il était encore un bien jeune homme lorsqu’il fit son entrée à l’université McGill en 1943 pour y étudier la médecine. Il n’avait jamais vraiment imaginé faire carrière en médecine, mais son beau-père était un neurologue. Un jour, il a amené Hugh avec lui à son travail à l’hôpital et Hugh fut fasciné par ce qu’il a vu là-bas. C’est à partir de ce moment que son intérêt pour la médecine s’est développée jusqu’au moment de faire son entrée à McGill; lorsqu’on lui a demandé quelle direction il voulait prendre pour ses études, il a spontanément répondu la médecine, comme ça, sans y réfléchir. C’est de cette façon qu’a commencé sa carrière en médecine.
À cette époque, l’effervescence de la guerre avait pris Montréal d’assaut: beaucoup de militaires, hommes et femmes, et beaucoup d’activité et de mouvement. Le rationnement n’était pas quelque chose de particulièrement difficile. La conscription par contre, c’est une autre chose, surtout au Québec. Même si c’était les politiciens qui en parlaient le plus, on pouvait sentir que ce sujet était délicat au Québec comparé au reste du Canada.
En avril 1944, après un an à McGill, Hugh prend l’importante décision de participer à la Deuxième Guerre Mondiale en se joignant à la Marine Marchande Canadienne. Il n’avait que 17 ans à l’époque, mais beaucoup de jeunes gens de son âge entraient dans l’armée pour participer à la guerre. Tous ses amis s’étaient joints soit à l’armée de l’air ou à l’infanterie. Mais Hugh était trop jeune pour joindre aucune de ces deux branches de l’armée. Seulement la Marine marchande acceptait les hommes aussi jeunes que lui. Deux jours plus tard, il était déjà en route vers l’Europe. Son bateau était l’un des premiers à partir cette année là, puisque le printemps venait tout juste d’arriver. Il était rempli de munitions, d’avions, de fusils, d’ambulances et même de quelques trains. Hugh n’avait jamais été sur un bateau avant, il n’avait jamais vu l’océan ou même la marée. La première fois qu’il l’a vu, il était totalement surpris! Il a aussi goûté à l’eau pour découvrir qu’elle était salée! Ces fut là ses deux plus grandes surprises au début de son parcours.
Son bateau s’est joint à un petit convoi de 8 bateaux. Ils firent leur premier arrêt en Nouvelle-Écosse. Ils ont ensuite rejoint un convoi de 178 bateaux, le plus grand convoi à ce moment là. Tout ce qu’ils transportaient avec eux était en prévision du débarquement de Normandie.
Sur le bateau, il occupait le poste de mousse aide-cuisinier : il préparait et servait les repas. Il n’a jamais eu le mal de mer, malgré une traversée parfois houleuse. À l’époque, il fallait quatre semaines aux convois pour arriver en Europe. Les convois se déplacent très lentement. À leur arrivée en Angleterre, les marins ont quelques jours de congé et leur arrivée coïncide au moment où l’Allemagne fait tomber ses premières bombes V1 au dessus de Londres. Mais même s’ils se faisaient bombarder, cela ne changeait pas la routine des Londoniens. Hugh n’a jamais eu peur une seule fois pendant toute son expérience à la guerre. Selon lui, c’est le fait qu’il était encore très jeune et naïf qui explique pourquoi il ne ressentait pas la peur. Il ne comprenait pas que ce qu’il faisait était dangereux, que ce soit lorsqu’il était sur le bateau ou dans une ville qui se faisait bombarder de façon régulière. Sa mère, par contre, avait très peur pour lui. Mais elle était aussi très fière de lui, ce qui rendait Hugh très heureux.
Les marins ne recevaient que très peu de nouvelles du monde extérieur lorsqu’ils étaient en mer. On leur disait les grandes nouvelles importantes comme celle du débarquement de Normandie, mais ils n’obtenaient aucun détail avant d’avoir atteint leur destination. Il se trouve que la Normandie fut elle-même une destination pour Hugh : juste après le débarquement, son bateau faisait partie de ceux qui ont débarqué du matériel pour les soldats. Son séjour dans la Marine marchande l’a mené à plusieurs destinations différentes, partout en Europe et en Afrique du Nord.
Lorsque la guerre s’est terminée, il était temps pour Hugh de retourner poursuivre ses études à McGill. À cette époque, il connaissait bien l’importance de l’événement auquel il venait de participer, mais il lui a fallut 20 à 30 ans et la rencontre de plusieurs autres vétérans avec chacun leurs histoires et leurs expériences pour qu’il réalise vraiment le danger dans lequel il était au moment de la guerre. À son retour à McGill, il étudiait avec d’autres vétérans dont certains qui avaient eu des expériences terribles : quelques uns avaient été fait prisonniers par les Japonais ou les Allemands, plusieurs avaient été blessés… c’est côtoyer ces vétérans, cette génération d’hommes, qui lui a fait réaliser à quel point il avait vécu une expérience dangereuse et combien il était chanceux d’avoir vécu l’expérience qu’il a vécu, comparée à celles des autres. Globalement, naviguer sur ces bateaux fut une bonne expérience pour Hugh. Il a pris beaucoup de maturité en quelques années.
Lorsqu’il faisait sa résidence à l’Hôpital pour enfants de Montréal, il s’est rendu à une fête au Club des Officiers de la Marine. Là bas, lui et un autre vétéran nommé Willie regardaient des photos de bateaux de la guerre de 1812. Ils se sont mis à parler de la Deuxième Guerre Mondiale et Hugh a mentionné qu’il y avait participé. Willie a dit que lui aussi y avait participé, mais du mauvais côté : Willie était Allemand et il avait été un sous-marinier de la marine Allemande. Alors qu’ils discutaient et en apprenaient plus sur l’expérience de l’autre, ils se sont rendu compte que le sous-marin de Willie avait attaqué le convoi dont Hugh faisait partie. Par chance, personne n’a été blessé pendant l’attaque. C’était d’ailleurs la dernière attaque à laquelle Willie a participé. N’est-ce pas incroyable? Willie, en tant que sous-marinier allemand, a tenté de tuer Hugh. Et à ce moment là, Hugh aurait été aussi heureux de voir Willie mourir… Pendant la guerre, ils étaient seulement deux jeunes hommes qui se battaient l’un contre l’autre comme tant d’autres, pour des raisons qui ne leur appartenaient pas. Ils faisaient parti de quelque chose qui était plus grand qu’eux, une chose sur laquelle il n’avait aucun contrôle et qui faisaient d’eux des ennemis. Mais après la guerre, tout était différent. Ils sont devenus de bons amis.
J’aimerais remercier Hugh pour sa participation à mon projet. Ce fut un honneur de le rencontrer ainsi que sa femme Lyne, d’écouter son histoire et de le prendre en photo. Merci pour tout M. Brodie.
Photographe(r) / Montréal
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