De l’Abitibi au Rwanda, ou l’histoire de Jean-Guy Plante.
Né en Abitibi le 13 février 1943, Jean-Guy est l’aîné de 5 enfants. Il grandit à Saint-Félix, où son père travaille dans la machinerie lourde. Il aime à dire qu’il est né dans un camion et qu’il a été élevé dans un tracteur. Toute sa jeunesse, il se voit devenir chauffeur de gros camion. Dès son adolescence, il travaille pour son père l’été et va à l’école l’hiver. Il termine son cheminement scolaire avec l’équivalent d’une 9e année.
À l’aube de ses 17 ans, c’est une rencontre avec son cousin venu en Abitibi pour le Temps des Fêtes qui va changer la vie de Jean-Guy. Son cousin était dans les Forces Armées. À la messe de minuit, il portait son uniforme. Jean-Guy est très impressionné et il décide alors que c’est ce qu’il veut faire. Il en parle avec ses parents, qui sont contre l’idée, particulièrement son père. Mais malgré son opposition, son père va le reconduire au centre de recrutement quelques semaines plus tard. C’est ainsi que débute la carrière de Jean-Guy dans les Forces.
Initialement, il veut joindre la Police Militaire. Mais on le lui refuse, puisqu’il ne fait pas le poids, même s’il a la grandeur. Il débute alors sa carrière dans les blindés, mais de façon temporaire: quand il aura le poids, il pourra demander un transfert dans la Police Militaire. Jean-Guy s’efforce de prendre du poids et va se faire peser souvent. Un bon jour, ses efforts portent fruits! Il peut alors transférer et débuter sa carrière de Policier Militaire. Sa première affectation est à Montréal. C’est aussi durant cette période qu’il rencontre sa femme et se marie.
En 1964, il participe à sa première mission de Casque Bleu au Congo. Pour un petit gars de l’Abitibi qui n’est jamais sorti du pays, ce fut tout un choc! Un choc thermale, d’abord, mais aussi un choc culturel : issu d’un petit village en Abitibi, il n’avait vu que très peu de personnes de couleur. Il est aussi marqué par la très grande pauvreté. Il reste sur place quelques mois.
Après son retour et quelques mois après la naissance de son fils, on offre à Jean-Guy de partir en Allemagne pour trois ans. Il accepte sans hésitation! Au final, c’est 5 ans qu’il passera là-bas avec sa famille. À son retour, il est muté à Saint-Hubert. Ne pouvant plus avoir d’enfants, sa femme et lui décident d’adopter. En 1974, leur vœu d’avoir une fille est exhaussé. Ce fut un moment important et émouvant pour la famille, qui a attendu longtemps pour avoir cette opportunité et qui a vu sa vie changer en l’espace de quelques heures.
Après quelques années dans les Forces, Jean-Guy avait atteint le grade de Sergent. Mais pour continuer de monter et devenir officier, il doit retourner à l’école. D’ailleurs, son patron le lui conseille fortement. Il prend alors la décision de suivre ce conseil, et ira à l’école le soir pendant 4 ans. Tout ces efforts ne seront pas en vain : après avoir complété son éducation, il est promu Lieutenant.
C’est en 1978-1979 qu’il part pour sa deuxième mission de Casque Bleu, cette fois en Égypte et en Israël. Cette mission lui permet de visiter l’Égypte, Israël et la Syrie. À son retour quelques mois plus tard, il est promu Capitaine et devient commandant de la Police Militaire de Val-Cartier. Il y restera quelques années. De retour à Saint-Hubert en 1985, il est promu Major et est transféré au quartier général de l’armée, puis deux ans plus tard, au quartier général de l’unité des enquêtes spéciales de la Police Militaire. Il occupe alors le poste qu’occupait autrefois son patron qui lui avait conseillé de retourner à l’école. N'était-ce pas là un excellent conseil?
Jusque là, Jean-Guy avait été un homme de terrain. Il est alors muté à Ottawa où il doit faire plus de travail de bureau que de travail de terrain. Mais Jean-Guy est un homme d’action et le travail de bureau, ce n’était pas sa tasse de thé. Il demande à son patron de le sortir de là. L’âge de sa retraite approche et il ne veut pas finir sa carrière dans un bureau. On lui propose alors d’aller en Somalie. Il est plus que d’accord et va lui-même insister auprès des personnes concernées pour être choisi. En 1994, on lui donne l’affectation pour la Somalie, ce qui le rend très heureux : il peut enfin retourner sur le terrain.
Il s’agit d’une autre mission de Casque Bleu. En Somalie, il est chargé de la reconstruction de la nouvelle police somalienne. Il aime beaucoup son travail, qui est très intéressant et stimulant, un travail sur le terrain, comme il aime, dans un pays qui relève d’une guerre et où un élément de danger est encore présent. Il a une centaine de personnes qui travaillent pour lui.
Il était en Somalie depuis environ 2 mois et demi lorsque se produisent les événements du Rwanda. Nous sommes en avril 1994, c’est le Génocide Rwandais. Le général Dallaire est le commandant sur place au Rwanda. Il demande d’avoir 2 ou 3 autres officiers canadiens pour l’aider car à ce moment là, il n’y a qu’un autre canadien qui travaille avec lui, les autres faisant partis des forces issuent de plusieurs pays différents. Une entente est faite avec les Nations-Unies pour transférer Jean-Guy et deux autres Majors de la Somalie au Rwanda. Il doit alors rester au Rwanda deux mois et retourner en Somalie après. Il ne sait pas ce qui l’attend mais il est content d’y aller. C’est un homme d’action.
Il connaissait déjà le Général Dallaire depuis une quinzaine d’années. Une fois sur place, sa première mission est de faire des évacuations de personnes en danger de mort. Un travail dangereux, mais sur le coup il n’a pas peur car le travail de terrain, c'est pour lui. Dans le même temps, de plus en plus de journalistes du monde entier arrivent sur les lieux. Mais l’ONU n’a pas de porte-parole sur place et cela pose problème. C’est donc le Général Dallaire qui fait le travail. Mais c'est un homme occupé, il n’a pas le temps de faire ce travail en plus de tout ce qui se passe et qu'il doit gérer. Il décide alors que Jean-Guy sera le porte-parole. C’est ainsi que le Major Plante devient le porte-parole militaire officiel des Nations-Unies au Rwanda. À ce moment là, Jean-Guy commençait à peine à se démêler entre les Tutsi et les Hutu! Il a dû apprendre rapidement ce nouveau métier dans des circonstances pas évidentes. Quel travail! Il est aussi en charge de la sécurité et du transport des journalistes et des médias qui se fait dans les véhicules des Nations-Unies. Chaque matin, il y a une conférence de presse et les journalistes décident alors où ils veulent aller. Jean-Guy les accompage. Il peut aussi refuser, s’il juge que c’est trop dangereux: le respect des combattants envers les véhicules des Nations-Unies n’est pas total. Cela augmente le niveau de danger. Selon Jean-Guy, ce respect a presque complètement disparu aujourd’hui. Cela est dû en partie au fait que les guerres sont maintenant souvent des guerres civiles.
Au lieu du 2 mois sur lequel on s’était entendu, Jean-Guy reste finalement 1 an au Rwanda et il ne retourne pas en Somalie. Durant son année au Rwanda, Jean-Guy participe à certains événements qui lui valent d’être décoré par le Gouverneur général. Un des ces événement est le sauvetage d’un père et ses deux garçons, après que la femme et les filles du père en question eurent été massacrées durant le Génocide.
Jean-Guy ne parle pas de qu’il a vu au Rwanda. Ce sont des choses qu’il souhaite garder pour lui, des choses qui lui sont personnelles. Nous savons aujourd’hui assez de choses sur ces événements pour comprendre que nous ne pouvons pas lui en vouloir.
À son retour, il lui reste environ un an avant sa retraite. L’Armée est alors dans un période de réduction de ses effectifs. On lui offre une possibilité de retraite anticipé, il accepte parce qu’il sait que de toute façon, il n’a pas le choix de prendre sa retraite. Mais sans cela, il serait resté. Il a adoré sa carrière militaire.
Dans les années qui suivent sa retraite de l’armée, Jean-Guy ne chôme pas! Il travaille pour l’ONU, entre autre au Togo et au Mozambique. Il est aussi consultant (et un peu acteur!) pour le film « J’ai serré la main du diable », basé sur le livre du Général Dallaire sur les événements au Rwanda.
Lorsqu’on le rencontre, Jean-Guy est un homme impressionnant, plus grand que nature. Son histoire est extraordinaire et marquante. J’aimerais le remercier d’avoir pris le temps de la partager avec moi.
Photographe(r) / Montréal
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